
Parmi les concepts nouveaux que nous avons découverts au début de notre parcours de formation pour devenir sophrologue, celui de Terpnos Logos nous a probablement toutes et tous interpellés. Ce terme, qui signifie « discours agréable » en grec, est bien plus qu’un simple jargon technique de sophrologue : il désigne la manière dont nous nous exprimons durant nos séances, et la façon dont notre voix, nos mots, et nos silences créent un espace sécurisant pour nos clients.
Mais au-delà de sa définition théorique, comment utiliser ce terpnos logos dans la pratique ? Quels en sont les réels bienfaits et les limites ? Comment s’assurer que cet outil reste un moyen d’accompagner et ne devienne pas une barrière ? Je vous propose aujourd’hui d’explorer ensemble ce concept, en prenant un temps pour décortiquer les quatre éléments qui selon moi sont fondamentaux : la voix, le vocabulaire, l’intention, et les silences.
Qu’est-ce que le terpnos logos ?
Le terpnos logos est l’essence même de notre accompagnement verbal. Il ne s’agit pas simplement d’un ton de voix monotone, doux et rassurant, mais bien d’une combinaison subtile qui permet de créer un environnement favorable à la détente, au relâchement et à l’émergence de nouvelles perceptions. Lorsqu’il est bien maîtrisé, il devient un guide pour le client, l’invitant à se connecter à lui-même et à s’ancrer dans l’instant présent.
Cependant, il est primordial de ne pas le réduire à une technique « figée ». Chaque client est unique et chaque séance requiert une adaptation pour que ce discours reste vivant et pleinement en phase avec le moment.
Les 4 éléments clés du Terpnos Logos
1. La voix : un vecteur de détente et de connexion
Notre voix est bien plus qu’un simple outil de communication. Elle est porteuse de la relation que nous établissons avec notre client. Prenons un exemple concret : un client hypersensible vient en séances, il est facilement submergé par ses émotions. Si notre voix est trop monotone, il peut se sentir encore plus isolé, seul face à ses ressentis. À l’inverse, une voix trop vive peut amplifier son état émotionnel.
- Le rythme : Pour un client en surcharge mentale, le risque est de le perdre s’il ne parvient pas à suivre le flot de nos mots. Ralentir et espacer les phrases, en marquant chaque consigne par une pause, permet de le raccrocher. Imaginez que chaque mot soit une marche d’escalier que le client doit monter lentement, une par une, au lieu de courir. A l’inverse un client dynamique aura du mal avec une voix plus lente et plus posée, il aura tendance a être agacé par la lenteur. Il est alors important de proposer dans un premier temps un rythme plus soutenu que l’on peut ralentir progressivement au fur et à mesure de la séance.
- Le timbre : Une voix douce ne signifie pas « chuchotée ». Une cliente en proie à des angoisses nocturnes, par exemple, a besoin d’une voix solide, rassurante, presque maternelle. Le timbre doit s’adapter : enveloppant pour calmer, ou plus vibrant pour stimuler la vitalité.
- Le volume : Une voix trop basse peut être difficile à suivre, tandis qu’un volume trop fort peut gêner la détente. Trouver le juste équilibre, ajuster le volume en fonction de l’état émotionnel du client, est un exercice délicat mais essentiel. Dans les moments d’exploration intérieure, un ton bas et feutré est idéal, tandis qu’un volume légèrement plus appuyé peut dynamiser certains exercices de visualisation active.
Astuce : Lors de votre prochaine séance, faites un exercice de « sculpture vocale ». Variez votre timbre, votre rythme, votre volume. Observez les réactions de votre client. Trouvez ce qui résonne le mieux avec lui.
2. Le vocabulaire : l’impact des mots sur le mental
Le choix des mots n’est jamais anodin. Utiliser un vocabulaire clair, simple et orienté en fonction de ce qui parle au client, de ses aspirations. Nous avons appris et utilisons un jargon de sophrologue. Pour autant est-ce qu’il parle à nos clients ?
- Positivité : En sophrologie, le langage doit éviter les formules négatives comme « ne vous inquiétez pas » ou « n’ayez pas peur », car le cerveau tend à se focaliser sur les termes négatifs. On préférera dire : « Accueillez le calme » ou « Sentez la tranquillité s’installer ». Un vocabulaire positif oriente l’esprit vers ce que l’on souhaite vivre, non vers ce qu’il faut éviter.
- Centrage sur le corps : Le vocabulaire doit également ramener le client à ses ressentis corporels : « Prenez conscience de la sensation de détente dans vos épaules », « Observez la respiration qui s’installe dans votre ventre ». Ces expressions permettent de créer un ancrage dans l’ici et maintenant, favorisant l’intégration des sensations et permettant de descendre du mental dans le corps.
- Adaptation au client : Chaque client a ses propres références sensorielles. Utiliser un langage qui lui parle, en intégrant ses propres mots ou images, rend le terpnos logos plus vivant et plus pertinent. Par exemple, un client sportif réagira davantage à des métaphores dynamiques, tandis qu’un client très sensible pourra apprécier des descriptions plus subtiles et poétiques.
À expérimenter : Lors de votre prochaine séance, adaptez une métaphore spécifique à votre client. S’il est passionné de nature, parlez d’arbres et de racines ; s’il est passionné de sport, utilisez des termes comme « ancrage » et « stabilité ».
3. L’intention : l’énergie derrière chaque mot
Sans intention, le terpnos logos devient une coquille vide. L’intention est invisible, mais elle se ressent, c’est ce qui colore votre discours. Elle est le reflet de notre présence et de notre engagement dans la séance. Chaque mot, chaque phrase, chaque silence doit porter cette intention d’accompagner et de soutenir.
- L’attention portée au client : Être pleinement présent à ce que le client vit à chaque instant est crucial. Cela implique de ne pas réciter un discours préconstruit, mais de véritablement sentir ce qui se passe pour lui. L’intention se perçoit dans la manière dont nous adaptons notre discours en fonction de ses réactions, de ses émotions.
- La bienveillance : L’intention doit toujours être empreinte de respect et de douceur. Même dans les moments plus dynamiques, notre intention de soutien et de non-jugement transparaît. Cette intention claire aide le client à se sentir accompagné, et non dirigé. Imaginez une personne qui vient pour une première séance. Elle est nerveuse, incertaine. L’intention ici est de rassurer, de montrer que nous sommes là pour elle, sans jugement. Dire « Prenez le temps de vous installer comme cela vous convient » avec une intention d’accueil, ce n’est pas la même chose que de le dire machinalement.
- L’ajustement : L’intention doit également être fluide, souple. Parfois, il est nécessaire d’adapter notre intention à la dynamique de la séance : plus contenante lors d’un travail sur des émotions intenses, plus douce lors d’un exercice de relaxation profonde.
Pour vous entraîner : Prenez un texte de base que vous utilisez souvent. Changez votre intention. Dites-le avec bienveillance, puis avec fermeté, puis avec un sourire. Sentez comment cela change l’énergie de vos mots.
4. Les silences : l’espace pour l’intégration
Les silences sont souvent perçus comme inconfortables pour le sophrologue débutant. Pourtant, ils sont indispensables. En sophrologie, le silence est loin d’être un vide. Il est un temps d’intégration et d’exploration. Mais comment savoir quand se taire ?
- L’espace d’écoute intérieure :
- La gestion du timing :
- Le silence porteur de présence : Enfin, le silence n’est pas une absence, mais un moment où notre présence est pleinement ressentie.
- Temps d’intégration : Le silence permet au client de se tourner vers lui-même, d’entrer en contact avec ses sensations, ses émotions, sans être perturbé par un flot continu de paroles. Parfois, le client a besoin de plusieurs secondes pour ressentir pleinement ce qui émerge. Un jeune client en difficulté scolaire que j’ai accompagné récemment a eu besoin de près d’une minute de silence après un exercice de visualisation. Résister à l’envie de parler a permis à son émotion de se déployer, sans interruption.
- L’art du timing : Trop de silence peut créer de l’inconfort, surtout pour les clients anxieux. Savoir quand se taire et quand reprendre la parole est un véritable art. Un silence trop court empêche l’intégration, tandis qu’un silence trop long peut désorienter le client. Chaque pause doit être un espace de ressourcement, une invitation à ressentir. Pour une femme en surcharge mentale, marquer une pause trop longue peut amener des pensées parasites à revenir. Mais un silence court, bien intégré, l’aidera à se recentrer. C’est l’observation et le retour de nos clients qui nous informent sur le rythme de chacun.
- Silence habité : Le silence n’est pas une absence de parole, mais un espace où nous continuons à être présents, même sans mots. C’est un espace où l’intention bienveillante du sophrologue prend toute sa dimension. Parfois, se taire est la meilleure manière de dire « Je suis là avec vous ». Un client déprimé ressentira tout de suite si nous nous « éclipsons » dans le silence, ou si nous restons pleinement là, avec lui.
Essayez ceci : Lors de votre prochaine séance, laissez un silence plus long que d’habitude. Soyez conscient de ce qui se passe en vous. Observez la respiration de votre client ? Souvent cela indique un changement d’état ? Ressentez-vous de l’inconfort ? Comment le client réagit-il ?
En conclusion, le terpnos logos est un art subtil qui repose sur ces quatre piliers : la voix, le vocabulaire, l’intention et les silences. C’est un guide, pas un carcan. Si vous le suivez trop rigoureusement, il risque de devenir une barrière, un écran entre vous et votre client. En l’adaptant, en l’ajustant à chaque instant, il devient un véritable levier de transformation. Maîtriser ces éléments et les ajuster à chaque séance demande de la pratique, de la sensibilité et une écoute fine de ce qui se passe en soi et chez l’autre. En tant que sophrologues, notre rôle est de faire vivre ces outils de manière fluide, afin que chaque mot, chaque silence devienne une passerelle vers le bien-être de nos clients.
Alors, osez expérimenter. Jouez avec votre voix, vos mots, vos silences. Observez, ajustez, écoutez. C’est ainsi que vous trouverez votre propre équilibre entre technique et authenticité.
Au plaisir de continuer à explorer ensemble ces subtilités et à enrichir nos pratiques et surtout de lire vos expériences
Emmanuelle Le Bris
Notre site internet Defi Sophrologue
Très belle analyse et une belle leçon de technicité vers et plus de confiance dans nos postures de sophrologue!
Le vivre le ressentir
Merci Marie pour ton retour. C’est effectivement très important d’augmenter la confiance en soi et en SA posture de sophrologue, celle qui nous ressemble.