Ce que la maladie vient réveiller en nous : rester présent face à l’inconfort et à la finitude

Depuis plusieurs années, j’accompagne des personnes touchées par le cancer, en individuel comme en collectif.

À travers ces séances, j’ai appris que le plus grand défi pour nous, sophrologues, n’est pas toujours de choisir les bons exercices.
Le plus grand défi est souvent d’oser être là, dans ce que la maladie réveille chez la personne que nous accompagnons — et en nous.

La mort, cet impensé de l’accompagnement

Lors de plusieurs échanges entre professionnels ces derniers mois — en conférence, ou en groupes de travail — un sujet est apparu, du bout des lèvres au début, presque comme inaudible ou imprononçable, puis avec plus de présence et de courage : la place de la mort dans nos accompagnements.

Ce sujet est rarement posé de façon frontale. Par pudeur, par crainte de « faire peur », ou parce qu’il nous renvoie à des territoires intimes, qu’il est parfois plus confortable de laisser dans l’ombre.

Et pourtant… la mort est une issue possible de la maladie. Nous le savons tous. Nos clients le savent aussi. Faire semblant que ce n’est pas le cas ne les aide pas. Pouvoir l’évoquer avec justesse et bienveillance est essentiel. Cela demande du courage, de la délicatesse, et une posture claire.

Cela exige aussi que nous soyons honnêtes avec nous-mêmes : accompagner ces parcours nous renvoie immanquablement à notre propre rapport à la maladie, à la perte, à la finitude.

Ce que cela vient réveiller en nous

Accompagner une personne en fin de vie ou en situation avancée de cancer nous oblige à traverser plusieurs questionnements :

  • Suis-je à l’aise avec la réalité de la mort ?
  • Que fait surgir en moi la confrontation avec un corps en souffrance ?
  • Suis-je capable d’être simplement présent.e, sans chercher à sauver ou à réparer ?
  • Comment tenir cette place avec humanité, sans basculer dans l’hyper-empathie ni dans la distance froide ?

Ces questions, je me les pose encore régulièrement. Et je suis convaincue qu’un accompagnement juste passe par cette lucidité : savoir ce que la situation réveille en nous, pour ne pas l’imposer à la personne que nous accompagnons.

Serge est venu à mon cabinet, suite à l’annonce de son cancer. Sa femme pratique la sophrologie avec moi depuis pusieurs année en collectif. Son cancer s’est rapidement propagé, les traitements étaient inefficaces et avaient de lourds effets secondaires pour lui.
Lors d’une séance, il m’a confié :
« Je sais que je vais bientôt mourir, cela ne me fait plus peur. Ce que je voudrais c’est me sentir vivant jusqu’au bout et avoir le sentiment de jouir de chaque seconde qui me sont offertes. et que mes proches en profites autant que moi. »

Ce jour-là, de nouveau, l’importance de notre posture m’est apparue avec encore plus de clarté.

  • Accompagner, ce n’est pas chercher à rassurer à tout prix.
  • Ce n’est pas non plus anticiper les émotions de l’autre ou fuir nos propres inconforts.
  • C’est être là, dans ce qui est. Offrir un espace où la personne peut encore ressentir, exprimer, exister pleinement.

Avec Serge, les séances ont beaucoup évolué : moins de techniques, plus de présence.
Des respirations douces, des mouvements de relâchement simples, la visualisation d’un lieu ressource, dans lequel il aimait se retrouver en fermant les yeux ou pas, pour éloigner les douleurs et y partager des moments avec tous ceux qu’il y invitait. Il m’a dit un jour, avec beaucoup de douceur : « Je sais que je vais bientôt partir, quand je fais ces exercices, je sens que je suis encore vivant. Et c’est ça qui compte. »

Accompagner avec justesse : une posture qui se travaille

Ces accompagnements nous rappellent que la sophrologie, face à ces parcours, est d’abord un art de la présence.
Ce n’est pas en proposant davantage d’outils qu’on accompagne mieux. C’est en affinant notre capacité à  :

  • Accueillir ce qui est là, y compris ce qui est difficile à entendre,
  • Rester ancré.e, même dans l’inconfort,
  • Ne pas vouloir tout contrôler ni tout réparer,
  • Offrir un espace où la personne garde une forme de liberté intérieure.

Cela suppose aussi, pour nous, d’accepter de demander de l’aide quand c’est nécessaire. De nous faire accompagner, pour traverser ce que cela réveille en nous.


Accompagner des personnes atteintes de cancer nous confronte à bien plus que la maladie : cela nous confronte à notre humanité.
C’est ce qui rend cet accompagnement si exigeant… et si précieux.

Si vous souhaitez approfondir cette réflexion, je vous invite à relire les deux premiers articles de cette série :

Et pour explorer ensemble ces questions et affiner votre posture, je vous propose un atelier le mardi 17 juin de 9h à 12h30.
Un espace pour partager, s’outiller et renforcer votre légitimité dans ces accompagnements essentiels.

Parce qu’accompagner la vie, même au seuil de la mort, est peut-être ce que nous avons de plus beau à offrir.